Un accord de gouvernement fédéral a été conclu le 31 janvier 2025 en Belgique. S’en est rapidement suivi la formation d’un gouvernement fédéral afin de mettre en œuvre les mesures de l’accord au cours de la prochaine législature. Selon le Premier ministre, cet accord de gouvernement appliquerait « le principe de justice sociale, dans le respect des droits acquis ». Plus spécifiquement, en ce qui concerne le secteur Gaz et Électricité, ce gouvernement mènerait une « politique énergétique raisonnable ». Gazelco tente, ci-dessous, de fournir une analyse provisoire des mesures qui pourraient toucher spécifiquement notre secteur et, plus généralement, des mesures qui pourraient s’appliquer à bien d’autres citoyens. Cette analyse est pour l’instant incomplète et devra être approfondie une fois que les mesures se feront plus concrètes. Bien entendu, celles-ci devront encore être approuvées sous la forme de textes de loi et les modalités d’application doivent encore être définies. Néanmoins, il est clair que ce gouvernement considère et traite de plus en plus notre société comme une entreprise, au sein de laquelle les services publics n’apportent aucun profit et doivent donc être vidés de leur substance, voire supprimés. Bien sûr, d’aucuns omettent ainsi la principale contribution des services publics, à savoir le bénéfice social pour l’ensemble de la population.
Mesures générales qui ne porteraient pas uniquement sur le secteur Gaz et Électricité mais auraient un impact pour tout le monde :
– Pouvoir d’achat des travailleurs : une potentielle réforme de la loi sur la norme salariale et l’index (ce qui peut avoir d’importantes répercussions pour bon nombre de personnes concernées ! ), augmentation du salaire net selon une méthode encore nébuleuse, augmentation des chèques-repas à 12 euros et suppression des autres chèques (éco/culture), encadrement légal de la rémunération flexible (plans cafétaria), simplification systèmes de bonus collectifs existants (par exemple application de la CCT 90), …
– Flexibilisation du marché du travail : permettre les flexi-jobs dans tous les secteurs (opt-out possible moyennant accord sectoriel, flexibilisation du temps de travail ( règlement de travail vidé de sa substance, annualisation du temps de travail, flexibilisation et élargissement heures supplémentaires, suppression du temps de travail minimum pour un horaire à temps plein, …), flexibilisation du droit du travail (réinstauration de la période d’essai, limitation du délai de préavis en cas de licenciement, érosion indemnités de licenciement, suppression de l’interdiction de travail de nuit, intérim à durée indéterminée, assouplissement du travail étudiant, changements au niveau du télétravail, modification des possibilités d’interruption de carrière, durcissement des conditions pour les emplois de fin carrière, …), …
– Pensions : les droits de pension sont encore démantelés (durcissement de l’accès à la pension anticipée, malus pension sous la forme de sanction financière en cas de départ anticipé, calcul plus strict des années de carrière pour potentiel départ anticipé, modification des périodes assimilées, indexation plafonnée des pensions des fonctionnaires au-delà du plafond des salariés, pensions des fonctionnaires calculées sur la carrière complète, pas d’attribution d’enveloppe bien-être pour les pensions, extinction de la pension pour maladie des fonctionnaires, …), …
– Maladie et santé : les travailleurs malades seront très rapidement appelés pour un trajet de réintégration, assouplissement du licenciement pour force majeure médicale, en cas de rechute droit au salaire garanti seulement après 8 semaines de reprise du travail, instauration d’une « fit-note » (avant certificat médical), suppression jour de maladie sans certificat médical, …
– Concertation sociale et syndicats : sous le couvert du « respect des décisions démocratiques », le gouvernement statue sur les dossiers pour lesquels les partenaires sociaux ne trouvent pas d’accord, protection moindre contre le licenciement des non-élus dans le cadre des élections sociales, attaques contre le droit de grève et le droit de manifester, personnalité juridique partielle pour les syndicats, diminution du nombre de Commissions paritaires, …
Plus de points d’attention spécifiques qui concernent le secteur Gaz et Électricité :
– Pacte énergétique interfédéral : description d’une vision à long terme et d’une stratégie où la transition énergétique vers une production d’énergie durable et climatiquement neutre occupe une place centrale dans la lutte contre le changement climatique. La demande d’énergie fera plus que doubler d’ici 2050, pour cette électrification, une capacité de production plus importante est nécessaire, tant à petite qu’à grande échelle. Celle-ci repose sur un mix énergétique s’appuyant sur 3 piliers, à savoir la sécurité d’approvisionnement (moins de dépendance vis-à-vis de l’étranger mais tout de même un réseau d’énergie européen interconnecté, un Conseil supérieur de l’approvisionnement en énergie indépendant du secteur qui fournit des chiffres objectifs), le caractère abordable et la durabilité. C’est pourquoi le gouvernement mise sur les sources d’énergie renouvelable, nucléaire et autres sources neutres en CO2. La dépendance aux énergies fossiles diminue progressivement et le CRM (Mécanisme de rémunération de la capacité) est revu. Ce gouvernement tend vers une plus grande part d’énergie nucléaire (4 GW) dans le mix énergétique en prolongeant la capacité existante (prolongation supplémentaire D4 et T3 avec 10 ans supplémentaires minimum encore une fois) et en construisant de nouveaux réacteurs nucléaires. Pour ce faire, il devra contourner certains obstacles (notamment en modifiant la loi de 2003) et passer par des partenariats publics-privés sans perdre de vue les aspects sécuritaires. L’énergie éolienne « offshore » occupe aussi une place importante dans ce mix énergétique. Les autres mots-clés sont : flexibilité et interconnexion, coûts abordables pour les entreprises et les citoyens, transparence des factures (où il n’y aurait pas d’augmentation d’une composante fédérale), importance des biocarburants et de l’hydrogène, maintien et renforcement de l’expertise nucléaire, attention particulière pour la gestion des déchets nucléaires.
– Contrairement au gouvernement précédent, l’actuel met particulièrement l’accent sur l’énergie nucléaire. Pour d’éventuelles prolongations de la capacité actuelle, il faudra qu’un opérateur soit prêt à la mener à bien, ce qui ne semble pas être le cas pour le moment. Évidemment, il est probable qu’Electrabel se positionne à nouveau dans une position avantageuse sur le plan commercial, comme cela est arrivé avec la prolongation actuelle de D4 et T3. Il est facile de dire qu’il faut construire une nouvelle capacité nucléaire en Belgique, mais cela est loin d’être évident, d’autant plus au cours de cette législature. Tout cela peut être intéressant pour l’emploi dans le nucléaire, mais nous serons particulièrement vigilants à l’emploi dans le segment non nucléaire, de sorte que nous ne soyons pas victimes d’un changement de cap politique pour ce qui est de la production.
L’accord de gouvernement comprend bien entendu encore bien d’autres mesures (mobilité, climat, allocations sociales comme le chômage, politique intérieure et étrangère, sécurité, soins, administration, justice, asile et migration, défense, affaires institutionnelles, fiscalité, …) que celles mentionnées ci-haut, il compte d’ailleurs environ 200 pages et il est donc difficile de le résumer en quelques lignes seulement. Néanmoins, il est sûr qu’un gouvernement de droite lève sa hache pour mener à bien les réformes qu’il juge nécessaires, principalement sur le dos des travailleurs et des autres citoyens. Il n’y aura pas de grande réforme fiscale, pourtant presque chaque problématique peut être réduite à cela : une redistribution équilibrée des charges fiscales où (presque) chaque type de revenu est taxé de façon égalitaire peut financer notre sécurité sociale autrement et de façon durable. Pourtant, les partis très à droite se sont montrés peu enclins à le faire, ce qui est regrettable pour la grande majorité des contribuables de ce pays !
Jan Van Wijngaerden
Secrétaire fédéral Gazelco